Page:Sterne - Œuvres complètes, t1-2, 1803, Bastien.djvu/359

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Que je suis malheureux ! s’écrioit-il, une après-midi qu’il venoit de raisonner avec elle une heure et demie entière, et le tout en vain : Que je suis malheureux ! Oui, disoit-il, en mordant ses lèvres ; c’est un fléau terrible pour tout homme qui se pique de faire des raisonnemens persuasifs, que d’avoir une femme dont la tête soit si lourde, l’esprit si hébété, qu’elle ne puisse comprendre la moindre des conséquences qui en sont la suite. Non, elle ne les comprend point… ne les comprendra pas… Il seroit question de sauver son ame de la perdition, que cela lui seroit égal..... Mariez-vous donc ! hélas ! la femme a, dit-on, été faite pour le bonheur de l’homme. Je le veux bien croire ; mais ce n’étoit pas pour le mien.



CHAPITRE IV.

Il sait enfin où elle est.


C’est ainsi que mon père déploroit la fatalité de son destin. Ce qu’il y avoit de plus fâcheux pour lui dans l’aventure, c’est que son amour-propre en souffroit. L’argument dont il s’étoit servi avoit plus de force, dans son opinion, que tous les argumens du monde mis en bloc.