Aller au contenu

Page:Sterne - Œuvres complètes, t1-2, 1803, Bastien.djvu/361

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

donc appliqué avec beaucoup d’ardeur, à chercher l’endroit où l’ame avoit fixé son séjour. —

Où étoit-ce ? ce qu’il apprit sur ce point, lui fit d’abord reconnoître que ce n’étoit pas dans le lieu où Descartes l’avoit mise. Ce grand philosophe s’imaginoit qu’elle régnoit sur la sommité de la glande supérieure du cerveau ; il disoit même que la nature y avoit placé, exprès pour l’ame, un coussin de la grosseur d’un pois. — C’est-là qu’aboutissent presque tous nos nerfs, et la conjecture de Descartes n’étoit pas mauvaise. Elle avoit frappé mon père, et il seroit peut-être tombé dans cette erreur, sans mon oncle Tobie qui le retint au bord du précipice… Votre oncle Tobie ?… oui, lui même. Ce fut, à la vérité, sans le vouloir, et même sans y songer. Mais il n’y a que les sots qui ne profitent pas des choses qu’ils peuvent entendre. Un homme d’esprit ne perd rien, n’oublie rien, et s’en sert dans l’occasion. C’est ce que fit mon père. Mon oncle Tobie, en lui racontant ses exploits militaires, mêloit souvent l’histoire des autres avec la sienne… En lui parlant de la bataille de Lauden, il lui parla de l’aventure d’un officier Wallon, qui eut le cerveau à moitié emporté par une balle de mousquet…