Page:Sterne - Œuvres complètes, t1-2, 1803, Bastien.djvu/393

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été débarrassé de la moitié de ses entraves.

— Pauvre Tristram ! comme le sort t’a balloté ! De combien de petits accidens il t’a rendu le jouet ! Ah ! s’il ne s’étoit pas fait un plaisir de te regarder comme l’objet de ses amusemens, je parierois cinq contre un que tes affaires seroient bien différentes ! Du moins tu n’aurois pas été exposé aux humiliations qui t’ont accablé : ton nez auroit échappé aux revers sinistres qui l’ont mutilé. — Ta fortune et les occasions qui se sont si souvent présentées de la faire pendant le cours de ta vie, ne t’auroient pas manqué comme elles ont fait. Elles n’auroient pas fui de toi avec mépris. Tu n’aurois pas été forcé toi-même de les abandonner. Tristram, ô malheureux Tristram ! Voilà ce que c’est que de n’avoir pas de nez. Mais où me laissai-je emporter ? que fais-je ? que dis-je ? n’ai-je donc pas déjà décidé que je n’en parlerois point aux curieux, que je ne fusse dans ce monde ? je ne veux point manquer de parole. — Cet événement ne tardera peut-être pas à se réaliser.