Page:Sterne - Œuvres complètes, t1-2, 1803, Bastien.djvu/475

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Eh ! eh ! tout doux ?

Ah ! oui, c’est du miel.

Mais, si l’on nous voyoit !

Tu as raison, les méchantes langues en jaseroient.

Et Trim, qui n’auroit pas voulu pour le plus gros de ses canons que l’on pût dire la moindre chose de sa chère Brigite, la quittoit.

Les choses restèrent à-peu-près ainsi pendant cinq ans. Elles remplirent tout le temps qui s’écoula entre la démolition de Dunkerque en 1713, et la fin des campagnes de mon oncle Tobie sur le Boulingrin, en 1718.

Trim étoit dans l’habitude, après avoir couché mon oncle Tobie, d’aller voir s’il ne s’étoit rien passé d’extraordinaire aux fortifications ; et souvent, quand il faisoit clair de lune, il s’embusquoit dans la haie du Boulingrin, pour guetter sa chère Brigite et observer ses mouvemens.

Il pensoit, comme de raison, qu’il n’y avoit rien dans le monde qui méritât mieux d’être vu, que les glorieux ouvrages qu’il avoit faits sous les ordres de mon oncle Tobie. Un soir que la lune brilloit dans tout son plein, que l’air étoit calme, que tout dormoit, excepté lui et sa chère Brigite ; (du moins ils le croyoient) il l’excita à venir voir