Page:Sterne - Œuvres complètes, t1-2, 1803, Bastien.djvu/483

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

fini dans ce style, mon oncle Tobie fit réflexion qu’il y avoit un défaut capital. Il tournoit à chaque bout sur ses gonds, s’ouvroit transversalement par le milieu, et tandis qu’une des deux parties alloit se ranger sur l’un des côtés du fossé, l’autre partie alloit de l’autre côté. Cette distribution avoit son avantage. En divisant ainsi le poids en deux parties égales, mon oncle Tobie, du bout de sa béquille, pouvoit, à son gré et sans effort, lever ou baisser le pont. D’ailleurs sa garnison étoit foible ; il ne falloit pas la harasser par des ouvrages trop pénibles. Mais ces avantages disparoissoient, quand on considéroit les désavantages contraires. Il est évident, disoit mon oncle Tobie, que je laisse la moitié de mon pont à la disposition de l’ennemi. À quoi peut me servir celle dont je m’empare ?

Le remède étoit simple. Rien n’étoit plus facile que de faire un pont, qui, roulant sur des charnières posées à un seul bout, se leveroit d’une pièce, et se tiendrait tout debout en le retenant en haut par un vérou… Mais cette méthode fut rejetée par les raisons que je viens d’expliquer. Le service d’un pareil pont auroit horriblement fatigué ceux qui s’en seroient trouvé chargés.