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Page:Sterne - Œuvres complètes, t1-2, 1803, Bastien.djvu/499

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toute la famille. La tradition l’avoit continuellement fortifié, et l’intérêt, pendant douze ans, l’avoit rendu beaucoup plus vif. On regrettoit encore plus sensiblement que le temps passé ne fût plus : et mon père étoit fort loin de pouvoir s’approprier tout l’honneur des fantaisies qui agitoient son cerveau sur ce point. Il ne pouvoit raisonnablement se vanter que d’une chose. C’est que toutes ses autres opinions bizarres étoient à lui seul : mais pour celles-ci, on pouvoit dire qu’il les avoit presque sucées avec le lait de sa mère. Il en fit cependant son lot. Et si l’éducation (qu’on me passe cette façon de parler) planta la méprise dans l’esprit de mon père, il prit un tel soin de la cultiver et de l’arroser, qu’il la porta bientôt à son plus parfait degré de maturité.

Il disoit souvent, en développant ses pensées sur ce sujet, qu’il ne concevoit pas comment certaines familles connues en Angleterre avoient pu se soutenir contre une suite non interrompue de huit ou dix nez camus, vice versâ : il ajoutoit que c’étoit pour lui un vrai problême à résoudre dans la société civile, que de savoir pourquoi le même nombre de longs et jolis nez, qui s’étoient suivis les uns et les autres en ligne directe, n’avoient pas