Page:Sterne - Œuvres complètes, t1-2, 1803, Bastien.djvu/553

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quand je pense à ces deux pauvres garçons ! c’étaient de si bons enfans ! ils étoient si sages, si honnêtes, si braves, si généreux ! ils avoient si bonne envie de se pousser loyalement dans le monde ! et que n’ont-ils pas souffert pour rien ? Le pauvre Tom ! être mis à la question pour avoir épousé la veuve d’un juif qui vendoit des saucisses et du boudin ! Et ce pauvre Dick John passer par les baguettes, parce qu’un fripon, pour se sauver, avoit mis quelques ducats dans son havresac ? Oh ! ce sont-là des choses, s’écria Trim, qui me font saigner le cœur.

Mon père ne put s’empêcher de rougir.

Va, dit-il à Trim, il seroit bien fâcheux que tu éprouvasses jamais des peines pour toi-même, quand tu es si sensible à celles des autres.

Hélas, dit Trim, monsieur sait que je n’ai ni femme, ni enfant, et que je ne puis, par conséquent, être tout-à-fait malheureux dans ce monde.

Mon père sourit.

Vraiment, dit mon oncle, je ne vois pas ce qu’un aussi honnête homme que toi pourroit avoir à craindre, à moins que ce ne soit la misère sur tes vieux jours, lorsque tu ne