Page:Sterne - Œuvres complètes, t1-2, 1803, Bastien.djvu/571

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Que cela seroit heureux ! si j’y pouvois trouver le moyen de les faire coucher !

D’honneur ! ils en ont bien besoin…

Monsieur, voilà un journal.

Bon ! c’est justement celui qui a le plus de vogue. Voyons, lisons. La fadeur !… quelle platitude !… c’est-là une épigramme ?… Je ne m’en serois pas douté. Passons… Une épître à un seigneur russe ?… Et le seigneur russe est un cèdre du Liban ?… et le poëte est une foible tige d’hysope ?… Vil rimeur ! tu es plutôt un ver rampant. Et le seigneur ?… Il est ce qu’il est. Mais quoi encore ? Ma foi ! ce qu’est un seigneur ; rien si vous voulez.

Ce journal me coûte un schelling. Je ne le regrette pas. Quand mon père et mon oncle Tobie seront couchés, il faudra qu’ils dorment. Je lirai à l’un l’épître au seigneur russe, et à l’autre les épigrammes.

Avec tout cela, si chaque jour de ma vie me tailloit autant de besogne que m’en a fourni celui-ci, je ne sais quand j’aurois fini. Voyez un peu la crise singulière où je suis. Jamais peut-être aucun biographe ne s’est trouvé dans cette situation avant moi ; peut-être qu’aucun ne s’y trouvera jamais, et qu’elle étoit réservée pour moi seul, depuis la création jusqu’au néant de tous les êtres.