Page:Sterne - Œuvres complètes, t1-2, 1803, Bastien.djvu/588

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

si c’étoit pour mon propre compte : mais comme je te l’ai dit, mon frère n’entend point raison là-dessus. Il prétend que les hasards de la vie dépendent presque toujours des noms de baptême. Hier encore, il me disoit que depuis le commencement du monde, il n’y avoit pas eu une belle action que l’on pût attribuer à un homme qui se nommât Tristram. Il ajoutoit qu’il étoit impossible, avec un pareil nom, d’être sage, bon, savant, brave….

Vision que tout ça ! monsieur. Est-ce que je ne me battrois pas aussi-bien en portant le nom de Trim, que si j’eusse eu celui de César ?

Pour moi, reprit mon oncle Tobie, je me serois appelé Alexandre, que je n’aurois pas mieux fait mon devoir à Namur.

Bon Dieu ! s’écria Trim, est-ce qu’on songe à son nom de baptême, lorsqu’on marche à l’ennemi ?

Ou qu’on est dans la tranchée ? dit fièrement mon oncle Tobie.

Ou qu’on pénètre dans la brèche ? dit Trim, en se glissant entre deux chaises.

Ou qu’on force une ligne ? dit mon oncle, en poussant sa béquille en avant comme un esponton.