Page:Sterne - Œuvres complètes, t1-2, 1803, Bastien.djvu/590

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Il fit desservir le déjeûner, que Trim emporta en tremblant. Il commença enfin la plus lamentable de toutes les élégies.



CHAPITRE LXXXVI.

Déploration de mon Père.


C’est donc en vain, dit-il, en jetant les yeux sur l’anathême d’Ernulphe, et sur mon oncle Tobie, c’est donc en vain que j’ai prétendu corriger le sort : je ne le vois que trop, frère Tobie. Mes fautes, les vôtres, celles de toute la famille ont irrité le ciel. Il se sert contre moi-même de tout ce qu’il y a de plus terrible dans l’arsenal de sa vengeance, puisque c’est sur mon fils qu’il fait tomber ses foudres avec tant d’éclat.

Mais point du tout, dit mon oncle Tobie ; si cela étoit, tout l’univers se ressentiroit de ce fracas.

Mon père ne fit pas la moindre attention à la réflexion de mon oncle Tobie, et continua.

Ô mon fils ! Ô malheureux Tristram ! Ô misérable enfant !

Ô nuit ! nuit terrible et désastreuse !… Nuit, que tes infortunes me rendront à jamais mémorable, ô mon fils ! toi qui a été conçu