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Page:Sterne - Œuvres complètes, t1-2, 1803, Bastien.djvu/80

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la réputation d’une malheureuse créature, ensanglantée par un rapport que le médisant sera bien fâché de faire, mais dont il corrigera l’âpreté nécessaire, en désirant qu’il soit faux, ou en plaignant sincèrement celui qui en est l’objet. Il osera même espérer que la charité voudra bien l’oublier, comme il l’oublie lui-même.

Tels sont les expédiens avec lesquels ce vice rassasie, et déguise sa cruauté. Mais si son poignard ainsi caché, frappe et égorge si doucement, que dirons-nous de ces propos scandaleux et sans pudeur qui ne sont soumis à aucune caution, et qui vaguent sans bornes ? les premiers, comme une flêche lancée dans les ténèbres, atteignent et blessent en silence : tandis que les autres, comme la peste, déployent leur rage en plein jour, balayent tout devant eux, et rasent, au niveau du sol et sans distinction, le bon et le mauvais. Mille tombent à la gauche du calomniateur ; dix mille tombent à sa droite ; ils tombent, ils sont déchirés, et foulés si inhumainement, que jamais, peut-être, ils ne se remettront de leurs blessures, et que celle de leur cœur sera mortelle.

Mais, comme il n’y a point d’actions si criminelles, qu’on ne puisse alléguer quelques