Page:Sterne - Œuvres complètes, t3-4, 1803, Bastien.djvu/421

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charrette qui étoit la dernière de la ligne avoit fait halte, et où l’on m’avoit fait entrer. — La jeune femme avoit tiré un cordial de sa poche, en avoit versé quelques gouttes sur du sucre, et voyant que cela me ranimoit, elle m’en avoit donné deux ou trois fois. — Je lui racontois donc la violence de la douleur que je sentois ; elle est si poignante, lui disois-je, que j’aimerois mieux ne jamais me relever de ce lit que je vois dans le coin de la chambre, et y mourir tranquillement, que de faire un pas de plus dans la maudite charrette.

« Elle essaya de me conduire à ce lit que je lui montrois ; mais je m’évanouis dans ses bras. — Elle avoit un excellent cœur, comme monsieur pourra le voir, dit le caporal en essuyant ses yeux. » —

« Je croyois l’amour une chose joyeuse, dit mon oncle Tobie. » —

« N’en déplaise à monsieur, c’est quelquefois la chose la plus sérieuse du monde.

» À la persuasion de la jeune femme, la charrette et les autres blessés étoient partis sans moi ; elle avoit assuré que j’expirerois en y rentrant. Tellement que lorsque je revins à moi, je me trouvai dans une cabane tranquille et paisible, où il n’y avoit plus que la