Page:Sterne - Œuvres complètes, t3-4, 1803, Bastien.djvu/435

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fripons qu’il y en ait jamais eu, — il n’y eut jamais d’œil aussi propre à ravir le repos de mon oncle Tobie, que l’œil dans lequel il regardoit. — Ne croyez pas, madame, que ce fût un œil coquet, ni éveillé, ni libertin ; — il n’étoit ni étincelant, ni pétulant, ni impérieux ; — ce n’étoit pas un de ces yeux qui annoncent de grandes prétentions, ou une grande exigeance : — un tel œil n’auroit pas eu d’empire sur une ame de la trempe de celle de mon oncle Tobie, formée de tout ce que la nature a de plus doux. — L’œil de Mistriss Wadman étoit rempli de doux propos et de douces réponses, parlant, non comme une trompette bruyante, qui étonne l’oreille sans lui plaire, mais parlant au cœur ; — ou plutôt, formant je ne sais quels doux sons, semblables aux derniers accens d’un prédestiné ; — un œil qui sembloit dire : Comment pouvez-vous, capitaine Shandy, vivre ainsi sans consolation ? sans un sein sur lequel vous puissiez reposer votre tête, et dans lequel vous puissiez déposer vos chagrins ?

C’étoit un œil…

Mais l’amour me gagnera moi-même, si j’en dis encore un mot.

C’étoit l’œil qu’il falloit à mon oncle Tobie.