Page:Sterne - Œuvres complètes, t3-4, 1803, Bastien.djvu/446

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prononçoit plus le mot passions, c’étoit toujours âne qu’il mettoit à la place. Si bien que pendant tout le temps que sa manie dura, l’on pouvoit dire qu’il étoit toujours à cheval sur son âne ou sur l’âne d’un autre.

Ici, messieurs, je vous prie d’observer la différence de l’âne de mon père à mon dada, ou, si vous voulez, à mon califourchon ; le tout pour qu’il ne vous arrive jamais de les confondre dans votre esprit.

Mon dada, si vous l’avez un peu observé, n’est pas une méchante bête ; il ne pratique de l’âne en rien, — non, messieurs, en rien. — Mon dada ! — Eh ! c’est celui de tout le monde ; c’est la petite niaiserie du moment ; c’est la folie du jour : un magot, un papillon, un pantin, le boulingrin de mon oncle Tobie. — Mon dada ! — Eh ! c’est celui que vous montez vous-même, madame, quand vous avez un moment d’humeur, de vapeurs, d’ennui de votre mari ; — en un mot, c’est l’animal le plus utile que je connoisse ; et je ne sais pas ce que le monde deviendroit sans lui. —

Mais l’âne de mon père, messieurs ! — montez-le, je vous prie, montez le ; — de grace, montez-le ; — ou plutôt, messieurs, ne le montez pas. — C’est un animal concupiscent ;