Page:Sterne - Œuvres complètes, t3-4, 1803, Bastien.djvu/467

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CHAPITRE LXVI.

Parure de mon Oncle Tobie.


Quoique le caporal eût tenu parole en retapant de son mieux la grande perruque à la Ramilies de mon oncle Tobie, il avoit eu trop peu de temps, et tous ses soins n’avoient produit qu’un effet assez mince. Cette fameuse perruque avoit passé plusieurs années applatie dans le fond d’une vieille armoire ; et comme les mauvais plis ne s’effacent pas aisément, et que l’usage des bouts de chandelle n’est pas toujours sûr, l’entreprise du caporal n’étoit pas une chose aussi facile qu’on pourroit le croire. Il s’employoit pourtant de son mieux ; — il pomadoit, — il crêpoit, — il retapoit, — puis se reculoit d’un air joyeux, et les deux bras tendus vers la perruque, comme pour l’engager à prendre un meilleur air. — Mais le tout en-vain ; elle frisoit en dépit du caporal, par-tout où le caporal ne vouloit pas qu’elle frisât ; et quand une boucle ou deux auroient pu l’embellir, chaque cheveu s’applatissoit comme s’il eût été trempé dans l’eau bouillante.

La déesse du Spléen elle-même n’auroit pu la voir sans sourire.