Page:Sterne - Œuvres complètes, t3-4, 1803, Bastien.djvu/468

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Telle étoit la perruque de mon oncle Tobie, — ou plutôt telle elle auroit paru sur tout autre front que le sien. Mais le front de mon oncle Tobie étoit le siège aimable de la douceur et de la bonté ; et ce charme se répandoit sur tout ce qui l’environnoit. — D’ailleurs, monsieur, la nature avoit dans toute sa personne tracé le mot gentilhomme en si beaux caractères, que jusqu’à son chapeau bordé en vieux point d’espagne tout terni, et surmonté d’une large cocarde de taffetas fripé ; — ce chapeau, dis-je, qui en lui-même ne valoit pas quatre sols, acquéroit de l’importance, dès qu’il étoit sur la tête de mon oncle Tobie. On eût dit qu’une Fée elle-même l’avoit composé de sa main, pour mieux aller à l’air de son visage.

Rien n’auroit mieux prouvé ce que j’avance, que l’habit bleu et or de mon oncle Tobie, si, à quelques égards, la proportion n’étoit pas nécessaire à la grâce ; mais depuis quinze ou seize ans qu’il étoit fait, depuis que l’inactivité de mon oncle Tobie (dont les promenades étoient presque bornées à son boulingrin,) avoit doublé son embonpoint, — son habit bleu et or étoit devenu si misérablement étroit, que ce n’étoit qu’avec la plus grande peine que le caporal avoit pu l’y faire entrer ; et