Page:Sterne - Œuvres complètes, t3-4, 1803, Bastien.djvu/511

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INVOCATION.


Aimable et doux génie, qui conduisis jadis la plume de mon ami Cervantes ; — toi qui te glissois par sa jalousie, et qui, par ta présence, changeois en un beau jour le crépuscule de sa retraite ; — toi qui versois le nectar des dieux à ce charmant auteur qu’ils avoient animé de leur esprit ; — toi enfin qui le couvris de tes ailes pendant qu’il traçoit le portrait de Sancho et de son aventureux maître, — et qui veillas constamment pour le défendre contre la pauvreté et les autres misères de cette vie ; — écoute-moi, je t’en conjure ! regarde, — vois ces culottes, — ce sont les seules que je possède ; et cette déchirure me fut faite à Lyon par un âne.

Vois mes chemises, — en quel état elles sont ! une partie en est restée en Lombardie ; je n’en ai rapporté que les débris ; je n’en avois que six, et une maudite blanchisseuse de Milan m’en a rogné cinq ; elle croyoit avoir ses raisons, — à la bonne heure. —

Cependant malgré ces accidens, malgré un fourreau de pistolet qui me fut volé à Sienne ; malgré deux œufs que l’on m’a fait payer cinq paules l’un à Raddicossini, et l’autre à Capoue, je ne trouve pas qu’un voyage de