Page:Sterne - Œuvres complètes, t5-6, 1803, Bastien.djvu/266

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L’AUBERGE.


Cette histoire touchante avoit fait sur moi une impression si pénible, que je fus très-aise d’appercevoir une petite auberge sur le bord de la route : j’avois grand besoin d’un peu de repos. Nous y entrâmes.

L’hôtesse nous souhaita le bonjour ; c’étoit une femme de bonne mine, assez en embonpoint, ni jeune, ni vieille, ou comme on dit en France, d’un certain âge ; ce qui ne dit pas grand’chose. Je lui donnerai donc environ trente-huit ans. Un cordelier la quittoit au moment où nous entrions, elle regardoit ce bon père d’un œil si tendre et si pieux, qu’il étoit aisé de voir qu’elle sortoit de confesse. Son mouchoir étoit un peu chiffonné : il y manquoit quelques épingles ; son bonnet n’étoit pas tout-à-fait droit sur sa tête ; mais on pouvoit attribuer ce léger désordre à la ferveur de sa dévotion et à l’empressement avec lequel elle étoit accourue au devant de ses nouveaux hôtes.

Nous demandâmes une bouteille de Champagne. — Messieurs, j’en ai d’excellent. Il n’a pas son pareil en France. Je vois bien que Monsieur est anglois. Mais quoique nos deux