Page:Sterne - Œuvres complètes, t5-6, 1803, Bastien.djvu/267

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nations soient en guerre ; je rendrai toujours justice aux individus : il faut avouer que les milords anglois sont les seigneurs les plus généreux de l’Europe : je commettrois donc une grande injustice, si je présentois à un anglois un verre de vin qui ne fût pas bon pour la bouche du grand monarque.

Il n’y avoit pas à se quereller avec une femme, sur un point aussi délicat et quoique nous vissions bien, mon compagnon et moi, que c’étoit la plus mauvaise bouteille de Champagne dont nous eussions jamais tâté, je louai généreusement, je payai de même, et je fis de grands complimens à la maîtresse, sur sa politesse.

À notre arrivée à Paris je remis mon compagnon de voyage à son ancien logis, rue Guénégaud : il se proposoit de se déguiser en abbé, espèce de gens qui font très-peu de sensation dans cette ville. Il faut pourtant en excepter ceux qui font profession de bel esprit, ou qui sont de déterminés critiques. Il me promit de venir me trouver au café anglois, vis-à-vis le Pont-Neuf, à neuf heures du soir, afin que nous pussions souper ensemble, et délibérer sur ce qu’il auroit à faire pour se mettre en sûreté. Il étoit alors cinq heures ; ainsi j’en avois quatre devant moi