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Page:Stevens - Contes populaires, 1867.djvu/137

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PIERRE SOUCI DIT VA-DE-BONCŒUR.

En voyant à genoux notre malheureux ami qu’il confondait avec ses pensionnaires de tous les jours, ou plutôt de chaque nuit, il éclata d’un rire ignoble et lui dit, tout en jetant sur le lit de camp la moitié d’un pain : —

— Ah ça ! mon gentilhomme, il parait que vous faites le difficile et que les lits de plume de l’établissement sont contraires à votre chère santé, puisque vous vous levez de si bonne heure ?

Soit que Pierre eût compris, soit qu’il ne voulût pas comprendre, il se contenta de jeter un regard de mépris sur ce stupide insulteur.

— Dites donc, mon petit monsieur, continua le porte-clefs en gagnant la porte, tenez-vous prêt pour neuf heures. Son honneur le Juge aura l’honneur de vous présenter ses respects, et probablement de renouveler connaissance avec vous.

Aussitôt que le geôlier eut refermé la porte, Pierre qui avait parfaitement compris sa dernière phrase, s’imagina candidement que l’heure de sa liberté allait sonner. Aussi mangea-t-il de grand cœur l’humble pitance qui lui avait été jetée comme à un chien, et, après avoir avalé le dernier croûton, il eut la douce satisfaction de se déclarer à lui-même, tant il avait eu faim ! que le pain de Californie était bien cuit, très-nutritif, et d’un goût excellent.

Et maintenant buvons un coup d’eau claire, s’écria-t-il. Mais, en examinant minutieusement le gobelet d’étain, Pierre eut honte de son intempérance de la veille. Il le rejeta avec dégoût et se servit de ses