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Page:Stevens - Contes populaires, 1867.djvu/155

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PIERRE SOUCI DIT VA-DE-BONCŒUR.

sant pour gage de son retour le restant de ses fioles, deux paires de bottes qui tiraient la langue, quinze mille piastres de dettes et beaucoup de dupes.

Pierre se consola d’autant plus facilement du départ un peu brusque de M. le docteur Killmany, qu’il avait réalisé la somme assez ronde de quatre cents piastres, et qu’il se sentait suffisamment édifié sur les mérites de la grande République et de ses intéressants citoyens pour imiter l’exemple de son honorable patron, mais cette fois dans la direction de son clocher natal.

Un mois, jour pour jour, après son départ de la Nouvelle-Orléans, le pauvre exilé volontaire, rentrant dans sa patrie, revit les bords du grand fleuve. À cette vue aimée, des pleurs de joie gonflèrent ses paupières et coulèrent lentement sur ses joues amaigries et brûlées du soleil.

Lorsqu’il rentra dans le village natal, la nuit était tout-à-fait venue, et les fenêtres des maisons, éparpillées le long de la côte, s’illuminaient une à une.

Il faisait un temps magnifique.

Des milliers d’étoiles scintillant sur le fond bleu du ciel, comme autant de diamants, reflétaient leur molle clarté sur la surface du grand fleuve polie comme une glace.

À l’extrémité de l’horizon, la lune encore à moitié cachée par de légers nuages, montrait peu à peu son disque d’une grandeur démesurée et rouge comme de la fonte bouillante.

Aucun bruit ne troublait le silence majestueux de la nuit. Quelquefois seulement on entendait la respiration puissante et cadencée d’un bateau à vapeur fendant les