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CE QU’ON PEUT FAIRE LE JOUR MÊME.

— Asseyez-vous, Monsieur, et faites comme chez vous, me répondit-il, ou plutôt entrez ici, vous serez plus à l’aise.

En disant ces mots il avait ouvert la porte d’une pièce assez vaste, servant de salon, et d’une éblouissante propreté.

Si curieux que je fusse d’examiner la nombreuse famille de mon hôte improvisé, je ne me fis cependant pas prier, d’autant plus, qu’un chien énorme, crotté jusque par-dessus les oreilles et les poils ruisselants de pluie, s’obstinait à venir flairer les pans de mon habit, malgré la défense réitérée de ses maîtres grands et petits, modulée sur tous les tons :

— Marche te coucher, Castor !

Or donc j’étais installé dans le salon, commodément assis et fumant comme un bienheureux le tabac de mon hôte qui fumait aussi. Nous parlions de choses et d’autres, lorsque mon attention se concentra tout-à-coup sur un beau cadre doré qui ornait le dessus de la cheminée, et qui me paraissait renfermer deux lignes de belle écriture.

Tout en causant, j’essayai de les déchiffrer, mais n’y parvenant pas assez vite à mon gré, je me levai et arrivé en face du cadre, je lus cette grande vérité :

IL NE FAUT JAMAIS REMETTRE AU LENDEMAIN
CE QU’ON PEUT FAIRE LE JOUR MÊME.

Voilà une admirable maxime, dis-je, il est malheureux qu’elle ne soit pas toujours suivie à la lettre.

— Oui, répondit mon hôte, car tous ceux qui la suivent s’en trouvent bien. À l’heure qu’il est, après trente ans, je crois encore que cette maxime est le meilleur héritage que m’ait laissé mon défunt père, dont le bon Dieu doit avoir l’âme.

— Alors ce cadre provient de votre père ?

— Oui, Monsieur, et c’est toute une histoire.