Façon, surnommé en outre le Bostonnais, depuis son retour de cette guerre qui a pris une certaine place dans nos fastes militaires, et de Mademoiselle Lucie Pétoche LaTulipe, le plus beau brin de fille de dix lieues à la ronde.
Pour cette circonstance grave et solennelle, même au village, le ban et l’arrière-ban des deux familles avaient été convoqués. Un grand mois à l’avance, des messagers sûrs et fidèles expédiés dans toutes les directions, — qui à pied, qui en calèche, qui en canot ou à cheval, — avaient répandu la bonne et grande nouvelle et fait en même temps les invitations d’usage. Aussi des quatre coins de l’horizon étaient accourus tous les représentants des Sans-Gêne dit Sans-Façon et des Pétoche LaTulipe ; et voilà pourquoi la vaste cour de la ferme, encombrée de calèches et de véhicules, ressemblait à s’y méprendre au campement de quelqu’une de ces tribus nombreuses et bénies, que l’on rencontrait jadis sur les bords de l’Euphrate ou du Tigre, au temps des patriarches.
Nous passerons sous silence, chers lecteurs, la lecture du contrat débitée solennellement par un notaire royal en lunettes et nasillard, dont la postérité — parfois ingrate — a négligé de nous transmettre le nom et la minute pour raconter, dans tout son éclat et toute sa pompe, avec la scrupuleuse exactitude d’un chroniqueur consciencieux, les événements à jamais mémorables du lendemain 13 juin, de l’an de grâce 1779, jour de la fête de St. Antoine de Padoue et du mariage de M. Télesphore le Bostonnais avec Mlle Lucie Pétoche LaTulipe.
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