À peine l’Aurore aux doigts de rose avait-elle entr’ouvert les portes de l’Orient, que tous les Sans-Gêne et tous les Petoche étaient debout. Depuis les grands parents et les futurs époux jusqu’aux derniers des arrières-cousins et cousines du troisième ou quatrième degré, pas un ne manquait à l’appel. Tandis que les accolades vont bon train, qu’on se donne de franches poignées de mains et qu’on s’embrasse ; tandis que chacun et chacune chante et rie, se mire ou s’extasie en se voyant tiré à quatre épingles et à une si belle fête, examinons un peu les costumes, car il me semble, lecteurs, qu’ils ne ressemblent guères à ceux d’aujourd’hui.
« À tout seigneur, tout honneur. » Télesphore le Bostonnais portait avec beaucoup d’aisance, et non sans dignité, un splendide habit de mousquetaire légèrement passé de couleur, qui avait jadis accompagné Louis xiv au siège de Namur, sur les ailes de la victoire et sur les épaules de son aïeul paternel. Ce dernier arrivé en ce pays avec le régiment de Carignan, le légua au grand’père Sans-Gêne dit Sans-Façon, qui lui-même l’avait légué à son fils, père de notre héros. Il est vrai de dire que cet habit guerrier ne servait que pour des occasions exceptionnellement solennelles et qu’il était de bonne étoffe. Des culottes de velours, des bas de soie et des souliers à larges boucles d’argent complétaient le reste du costume. Pourtant l’inexorable vérité de l’histoire nous oblige d’ajouter que Mr. Télesphore portait crânement sur l’oreille droite, suivant la mode d’alors, un chapeau tromblon, démesurément évasé, quelque chose en poil de lapin ou de castor qui ressemblait assez bien à la cheminée d’une de nos locomotives et qui servait à couvrir une chevelure abondante, galamment rejetée par derrière sous forme de queue nouée à son extrémité d’un ruban bleu de ciel.
Autant l’aspect général du futur époux pouvait, de