Or donc, avec votre permission, les débris du festin vont être enlevés ; et voilà que le père Martin ayant pris le bras de sa fille, la conduit triomphalement devant le piano, suivie de toute la compagnie.
Marie a ouvert le piano et les voisins se sont assis, tandis que le chef de la maison, ravi de l’expression admirative qui illumine leurs physionomies, ne cesse de répéter :
La musique ! Marie, la musique !
Aux premières notes d’un chant sacré que la jeune fille jouait par habitude, l’auditoire semblable à la cour de la reine Didon, suspendue aux lèvres du pieux Énée racontant ses infortunes, observa un silence religieux ; mais à peine le morceau fut-il achevé, qu’un concert unanime d’éloges éclata à la fois.
Bientôt l’enthousiasme général ne connut plus de bornes, lorsque la jeune musicienne ayant joué la Canadienne, repassa successivement les airs si connus de nos ballades nationales, que personne n’a écrites, et que cependant tout le monde sait par cœur. Il fallut que Marie les recommençat pour accompagner les paroles que chacun murmurait tous bas, et le père Martin, en sa double qualité d’amphytrion et de vieux voyageur, entonna le premier, d’une voix forte et singulièrement cadencée, tout en simulant le maniement de l’aviron :
Ce fut là le signal d’ouverture de tout le répertoire. Toutes les voix, belles ou vilaines des heureux convives, eurent l’honneur d’un accompagnement du piano, et quand il n’y eut plus de chansons et que Marie fut lasse de jouer, — on se lasse de tout en ce monde, — la causerie commença.