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Page:Stevens - Contes populaires, 1867.djvu/31

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PIERRE CARDON.


Deux mois s’étaient écoulés depuis la St. Jean Baptiste, lorsque Marie sortit du couvent pour rentrer dans la maison paternelle dont elle prit la haute direction.

Alors la maison à deux étages, surmontée des quatre batelets, se transforma, pour le père Martin, en véritable palais. Il ne l’eût pas échangée pour le manoir de l’endroit. À toute heure du jour, il pouvait voir sa chère Marie, ça suffisait à son bonheur. Il est vrai de dire que Marie, en fille reconnaissante, lui prodiguait mille petits soins et savait comment le prendre.

Si, durant la journée, il revenait mouillé de sa traverse, ce qui arrivait assez fréquemment, car un canot n’est pas tout-à-fait un bateau à vapeur, Marie était là qui l’attendait avec un bon gilet de flanelle et des chaussons de laine bien chauds. Le soir, après souper, avait-il l’air de trouver les heures longues, vîte, elle lui faisait de la musique, en ayant soin de jouer de préférence les airs qu’il aimait, ou bien elle lui lisait quelque chose d’intéressant. De temps à autre, c’était un voisin qui venait passer la veillée, alors on causait, on jouait au major pour des pommes, que le père Martin finissait invariablement par croquer, qu’il gagnât ou qu’il perdît. Bref, il se sentait si heureux, qu’il eût presque consenti à vivre ainsi jusqu’au jugement dernier.



Monsieur Cardon, le gendre du père Martin, était un beau et grand garçon de vingt-trois ans, que la mort de son père avait laissé, depuis vingt-sept mois, propriétaire et unique héritier d’un magasin bien garni et encore mieux achalandé. Il gérait lui-même ses affaires, et quoique son séjour aux écoles et même au collège, eut été de courte durée, il avait cependant