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Page:Stevens - Contes populaires, 1867.djvu/50

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PIERRE CARDON.

Plusieurs semaines s’étaient déjà écoulées depuis la mort de Madame Cardon, quand son mari tombé au dernier degré de l’avilissement, apprit cette foudroyante nouvelle de la bouche d’un charretier de son endroit qui l’avait rencontré, par hasard, dans la rue, et qui certes ne l’aurait pas reconnu, tant son extérieur était délabré.

La raison déjà chancelante du malheureux, l’abandonna alors tout-à-fait. Il devint fou ; et quittant brusquement l’homme qui lui parlait, il continua à marcher devant lui, se dirigeant, sans le savoir, vers le village natal.

La nuit commençait à tomber, mais il faisait un clair de lune magnifique.

Après une course de plusieurs milles, Pierre s’arrêta devant une auberge, et soit qu’il l’eût reconnue, soit que l’intempérance survive, même après le naufrage de la raison, il entra et but.

Quand Pierre Cardon sortit de l’auberge, la lune avait disparu. À peine voyait-on encore, entre les éclaircies des nuages, quelques rares étoiles. La nuit était bien différente de ce qu’avait été la soirée. Le froid qui tantôt faisait craquer la glace et les toits comme autant de coups de fusil, était tombé tout-à-coup, et chose qui n’est pas rare dans ce pays, où les changements de température sont si brusques et quelquefois si étonnants, un vent chaud soufflait avec violence, et semblait faire pousser des gémissements plaintifs aux fils de fer télégraphiques tremblants sur leurs poteaux élevés, que l’Industrie plaça le long de nos grand’routes comme autant de sentinelles.