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LES TROIS DIABLES.

était bien le plus affreux petit bonhomme que la terre eut jamais porté ; et je vois passer presque tous les jours un autre Monsieur nommé Courtbras qui possède cependant une paire de bras qui remplaceraient très-avantageusement les ailes d’un moulin à vent.

Mais revenons à Richard. Si c’était absolument nécessaire, je vous tracerais bien son portrait, mais comme ça pourrait traîner mon histoire en longueur, je me contenterai de vous dire qu’il n’était ni trop grand, ni trop petit de taille ; ni gras, ni maigre, entre les deux ; ni beau, ni laid. C’était, en un mot, un homme comme il y en a beaucoup. Son âge, il ne le savait pas au juste, cependant il aurait pu vous le dire à dix ans près, et, au moment où commence notre récit, le brave Richard tirait sur cinquante.

Il n’y avait pas, à dix lieues à la ronde, un ouvrier qui travaillât plus rudement et qui fit de meilleur ouvrage que le bonhomme Richard : levé au petit jour et battant la semelle ou tirant ses points jusqu’au coucher du soleil, à peine se donnait-il le temps de prendre ses repas ; malgré cela, il demeurait pauvre, et pauvre comme Job.

Ça vous étonne, n’est-ce pas ? lecteurs ; un peu de patience, s’il vous plaît, ça ne vous étonnera plus tout-à-l’heure.

Il faut savoir que le bonhomme Richard avait une femme. Il n’y a là rien de bien extraordinaire, allez-vous dire, sans doute. Un cordonnier qui tire sur cinquante a très-certainement le droit d’avoir une femme ; et ceci n’explique pas du tout pourquoi le bonhomme Richard demeure pauvre comme Job.

— Peut-être avait-il sa maison pleine d’enfants et de petits-enfants ?

— Il n’en avait jamais eu.

— Alors, c’est que ses pratiques ne le payaient point !