Page:Stevenson - Catriona.djvu/41

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chaînes claquaient et les oiseaux volaient aux alentours. Ce tableau m’apparut comme un présage de mes craintes, je ne pouvais m’arracher à cette vue et je me laissai absorber comme par une sorte d’affreuse obsession. En tournant autour du gibet, je découvris une vieille femme assise derrière qui parlait toute seule en gesticulant.

« Qui sont ceux-ci, vieille mère ? dis-je en montrant les corps.

— Dieu bénisse votre précieuse face ! Ce sont des amoureux à moi, deux de mes anciens amants, mon cher ami !

— Et pourquoi ont-ils souffert ?

— Rien que pour la bonne cause et après que je leur eusse prédit comment cela finirait !… pour deux shillings écossais qu’ils avaient pris à un enfant ! Cela suffit, car les parents sont du parti de Brouchton.

— Ah ! dis-je en moi-même sans m’adresser à la folle, ils en sont réduits à ce triste état pour une si petite faute,… tout le monde est en danger, alors.

— Donne-moi ta main, mon garçon, reprit la vieille, et je vais te dire la bonne aventure !

— Non, la mère, répondis-je, je connais assez la route où je marche, il n’est pas bon de voir de trop loin.

— Je lis ton destin sur ton front,… je vois une jolie fille qui t’a pris ton cœur… Je vois un bel homme avec un habit brun… et un gros homme avec une queue poudrée,… et je vois l’ombre du gibet qui est au milieu de ton chemin… Donne ta main que la vieille Merren te prédise ton sort. »

Les deux traits qui semblaient désigner Alan et la fille de James More m’avaient vivement frappé et je m’enfuis, laissant à la vilaine créature quelques pièces avec lesquelles elle se mit à jongler sous les ombres menaçantes des pendus.