Page:Stevenson - Catriona.djvu/77

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

me décidai à poursuivre l’aventure, j’étais trop avancé pour reculer. J’avais bravé ces hommes et je voulais continuer à les braver ; quoi qu’il pût en arriver, je tiendrais ma parole.

La conscience de ma fermeté me redonna du cœur, mais pas l’ombre d’enthousiasme. Je me sentais glacé et la vie me semblait trop triste pour être désirable. Deux personnes seulement excitaient ma pitié : moi d’abord, si seul et si perdu dans le monde, et, en second lieu, Catriona, la fille de James More. Je l’avais à peine entrevue et, pourtant, je croyais la connaître à fond. Je la savais capable de mourir d’une infamie et peut-être, à ce moment même, son père était en train de racheter sa vilaine vie en livrant la mienne. Cela formait dans ma pensée comme un lien entre la jeune fille et moi ; jusque-là j’avais pensé à elle comme à une agréable rencontre, maintenant, je lui découvrais une lugubre parenté : elle était la fille de mon ennemi et peut-être de mon futur assassin. Je me disais qu’il était dur de me voir poursuivi et persécuté depuis si longtemps pour le compte des autres et sans aucune jouissance ou compensation personnelle. En dehors de la nourriture et d’un lit pour dormir quand j’en avais le temps, à quoi me servait ma fortune ! Si je devais mourir, mes jours étaient comptés ; si je devais échapper à la potence, ils pourraient me paraître trop longs dans mon isolement.

Tout à coup, l’image de Catriona s’offrit à mon esprit avec l’expression que je lui avais vue la première fois, les lèvres entr’ouvertes. Cette pensée suffit à m’émouvoir et une force soudaine me saisit, je me levai et pris résolument le chemin de Dean. Si je devais être pendu le lendemain (et je risquais fort de passer la nuit prochaine en prison), je voulais du moins revoir Catriona et lui parler une fois encore.

L’exercice de la marche et le but de ma promenade