Page:Stevenson - Enlevé !.djvu/189

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— J’en doute beaucoup, dis-je.

— Et moi aussi, j’ai des doutes à ce sujet, fit sèchement Alan.

— Mais, grand Dieu, mon ami, m’écriai-je, vous qui êtes un rebelle condamné, et un déserteur, et un homme du Roi de France, qu’est-ce qui vous tente et vous amène dans ce pays. C’est braver la Providence.

— Peuh ! je reviens tous les ans depuis 1746.

— Qu’est-ce qui vous fait revenir ? ami, m’écriai-je.

— Voilà, c’est le désir de revoir les amis et le pays, dit-il. La France est un bon séjour, sans doute, mais il me faut les bruyères et le daim. En outre, j’ai à m’occuper de diverses choses. Je rassemble quelques gaillards pour servir le Roi de France, je fais le racoleur, comme vous voyez, et cela me rapporte quelque argent. Mais le principal, l’essentiel, ce sont les intérêts de mon chef, Ardshiel.

— Je croyais que votre chef s’appelait Appin.

— Oui, mais Ardshiel est le capitaine du clan, dit Alan, ce qui ne m’aida point à comprendre.

— Voyez-vous, David, lui qui pendant toute sa vie a été un si grand personnage, qui a dans ses veines un sang royal et qui porte un nom de roi, il en est réduit aujourd’hui à vivre dans une ville de France comme un pauvre particulier.

Lui qui d’un coup de sifflet pouvait rassembler quatre cents épées, je l’ai vu de mes propres yeux, allant acheter du beurre sur la place du marché et le rapporter chez lui dans une feuille de chou.

Ce n’est pas seulement une souffrance, mais encore une humiliation pour nous qui sommes de sa famille et de son clan. Et il y a en outre les petits, les enfants, l’espoir d’Appin. Il faut qu’ils apprennent à lire et à tenir une épée, dans ce pays lointain.