Page:Stevenson - Enlevé !.djvu/273

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Nous étions donc debout, côte à côte sur un petit rocher que l’écume rendait glissant, et nous avions à franchir d’un saut un bras bien plus large, par-dessus une rivière qui rugissait de tous côtés.

Quand je vis où j’étais, une faiblesse mortelle causée par l’épouvante s’empara de moi, et je mis ma main sur mes yeux.

Alan me prit, me secoua.

Je m’aperçus bien qu’il me parlait, mais le grondement de la cascade et le trouble de mon esprit m’empêchèrent d’entendre.

Je vis seulement qu’il avait la figure rouge de colère et qu’il trépignait sur le rocher.

Le même regard me montra tout près les flots qui faisaient rage, le brouillard flottant dans l’air. Alors je me cachai de nouveau les yeux, et un frisson me parcourut le corps.

Moins d’une minute après, Alan avait porté la bouteille d’eau-de-vie à mes lèvres, et me forçait à avaler une gorgée, qui me ramena le sang à la tête.

Alors portant ses mains à sa bouche et rapprochant sa bouche de mon oreille, il me cria : « Pendaison ou noyade ! » me tourna le dos, bondit par-dessus l’autre bras du courant et prit terre sain et sauf.

Maintenant j’étais seul sur le rocher, ce qui me donnait plus d’espace. L’eau-de-vie faisait bourdonner mes oreilles.

Je venais d’avoir ce bon exemple sous les yeux, et il me restait juste assez d’intelligence pour comprendre que si je ne faisais pas le saut immédiatement, je ne le ferais jamais.

Je pliai fortement les genoux et me lançai en avant, avec cette sorte de désespoir furieux qui parfois m’a tenu lieu de courage.