Page:Stevenson - L’Île au trésor, trad. André Laurie.djvu/160

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Tout d’abord, une terre, lourde et boueuse, couverte de roseaux et de broussailles, retarda beaucoup notre marche ; mais petit à petit la pente devint plus raide et pierreuse, les buissons s’espacèrent en changeant d’aspect ; nous ne tardâmes pas à atteindre ce qui était tout simplement la zone la plus agréable de l’île. Des bruyères parfumées, des arbustes couverts de fleurs avaient succédé aux produits marécageux de la côte. L’arbre à cannelle mêlait sa senteur épicée à l’arôme des grands pins. L’air était frais et léger, en dépit des rayons du soleil qui tombaient d’aplomb sur nous. Toute la bande en subit l’influence et bientôt s’espaça en forme d’éventail, criant et bondissant comme une troupe d’écoliers. Vers le centre, assez loin des autres, Silver suivait avec moi, — moi toujours tenu en laisse, — lui se traînant avec peine et soufflant bruyamment, parmi ces pierres roulantes. Par moments, j’étais obligé de lui donner la main pour l’empêcher de perdre pied et de tomber.

Nous avions fait environ un demi-mille dans cet ordre, et nous approchions du plateau, quand l’homme le plus avancé sur la gauche se mit à pousser des cris d’épouvante. Ces cris se succédèrent si rapidement sur ses lèvres, que tout le monde se mit à courir vers lui.

« Il ne peut pourtant pas avoir déjà trouvé le trésor ! » dit le vieux Morgan en passant près de nous, au pas de course.

En vérité, nous trouvâmes en arrivant qu’il s’agissait de quelque chose de tout différent… Au pied d’un assez grand sapin était couché par terre un squelette humain, à peine vêtu de quelques haillons, mais entouré de tous côtés par une plante grimpante qui avait même soulevé les plus petits os… Pendant une minute ou deux, nous restâmes tous glacés de ce spectacle.

« C’était un marin, dit George Merry, qui s’était le premier penché sur le squelette pour examiner les restes de vêtements. Au moins, voici du bon drap de matelot !…

— Parbleu, répliqua Silver, c’est assez probable. Vous ne vous attendez pas, sans doute, à trouver un évêque par ici !… Mais quelle étrange attitude ont ces ossements ! Cela me semble peu naturel… »

L’attitude était en effet des plus bizarres. Le mort était bien allongé dans une position rectiligne, sauf dans les parties que les oiseaux du ciel ou le lent travail de la plante grimpante pouvaient avoir dérangées. Mais les pieds étaient réunis et soulevés comme pour désigner une direction déterminée ; tandis que les mains, placées au-dessus de la tête comme celles d’un homme qui se prépare à plonger, pointaient du côté précisément opposé. L’ensemble donnait assez bien l’impression d’une de ces flèches qu’on trace sur les cartes pour indiquer l’orientation. Silver l’eut avec moi, car il dit :

« J’ai comme une idée que je devine ce que cela signifie. Voici la boussole. Voilà le sommet de l’île du Squelette qui ressort sur le