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MON AVENTURE EN MER

il me fut impossible de remuer le hale-bas. J’avais accompli tout ce dont j’étais capable : pour le reste, l’Hispaniola devait s’en remettre à la chance, comme moi-même.

Pendant ce temps, l’ombre avait envahi tout le mouillage. Les derniers rayons du soleil, je m’en souviens, jaillirent par une trouée du bois et jetèrent comme un éclat de pierreries sur la toison en fleurs de l’épave. Il commençait à faire froid ; la marée fluait rapidement vers la mer, et la goélette se couchait de plus en plus sur le côté.

À grand-peine je gagnai l’avant, où je me penchai. L’eau semblait assez peu profonde, et pour plus de sûreté me tenant des deux mains à l’amarre coupée, je me laissai doucement glisser par-dessus bord. L’eau me venait à peine à la poitrine, le sable était dur et couvert de rides, et je passai allègrement le gué jusqu’au rivage, laissant l’Hispaniola sur le flanc avec sa grand-voile large étalée à la surface de la baie. Presque aussitôt le soleil acheva de disparaître et la brise se mit à siffler dans le crépuscule parmi les pins frémissants.

En fin de compte, j’étais hors de la mer, et je n’en revenais pas les mains vides. La goélette était là, libre enfin de flibustiers et prête à recevoir nos hommes et à reprendre le large. Je n’avais plus d’autre désir que de me voir rentré à la palanque où je me glorifierais de mes exploits. On pouvait bien me blâmer un peu à cause de ma fugue, mais la reprise de l’Hispaniola était un argument sans réplique, et j’espérais que le capitaine Smollett lui-même avouerait que je n’avais pas perdu mon temps.

Mis en excellente humeur par cette idée, je me disposai à retourner au blockhaus auprès de mes compagnons. Je me rappelai que la plus orientale