Page:Stevenson - L’Île au trésor, trad. Varlet.djvu/28

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
24
L’ÎLE AU TRÉSOR

ment de l’épaule gauche. Arrivé à la porte, le capitaine assena au fuyard un dernier coup formidable qui lui aurait sûrement fendu le crâne, si ce coup n’eût été arrêté par notre massive enseigne de l’Amiral Benbow. On voit encore aujourd’hui la brèche sur la partie inférieure du tableau.

Ce coup mit fin au combat. Aussitôt sur la route, Chien-Noir, en dépit de sa blessure, prit ses jambes à son cou, et avec une agilité merveilleuse, disparut en une demi-minute derrière la crête de la colline. Pour le capitaine, il restait à béer devant l’enseigne, comme sidéré. Après quoi, il se passa la main sur les yeux à plusieurs reprises, et finalement rentra dans la maison.

— Jim, me dit-il, du rhum !

Et comme il parlait, il tituba légèrement et s’appuya d’une main contre le mur.

— Êtes-vous blessé ? m’écriai-je.

— Du rhum ! répéta-t-il. Il faut que je m’en aille d’ici. Du rhum ! du rhum !

Je courus lui en chercher ; mais, tout bouleversé par ce qui venait d’arriver, je cassai un verre et faussai le robinet, si bien que j’étais toujours occupé de mon côté lorsque j’entendis dans la salle le bruit d’une lourde chute. Je me précipitai et vis le capitaine étalé de tout son long sur le carreau. À la même minute, ma mère, alarmée par les cris et la bagarre, descendait quatre à quatre pour venir à mon aide. À nous deux, nous lui relevâmes la tête. Il respirait bruyamment et avec peine, mais il avait les yeux fermés et le visage d’une teinte hideuse.

— Mon Dieu, mon Dieu ! s’écria ma mère, quel malheur pour notre maison ! Et ton pauvre père qui est malade !

Cependant nous n’avions aucune idée de ce qu’il convenait de faire pour secourir le capitaine, et nous