Page:Stevenson - Le Maître de Ballantrae, 1989.djvu/121

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– Je ne sais en quoi je vous ai offensé, dit-elle. Pardon. Mais tirez-moi de cette incertitude.

Mais je n’osais parler encore ; je n’étais pas sûr d’elle ; et, dans ce doute, et avec la sensation d’impuissance qu’il créait en moi, je m’adressai à la malheureuse avec une sorte de colère.

– Madame, dis-je, il est question de deux hommes. L’un d’eux vous a insultée, et vous me demandez lequel. Je vais vous aider à répondre. Avec l’un de ces hommes vous avez passé toutes vos heures : l’autre vous l’a-t-il reproché ? Envers l’un, vous avez toujours été aimable, envers l’autre, comme Dieu me voit et nous juge, non, je ne le crois pas : vous en a-t-il moins aimée ? Ce soir, l’un de ces deux hommes a dit à l’autre, devant moi – moi, un étranger à gages – que vous étiez en galanterie avec lui. Sans que je dise un mot de plus, vous pouvez répondre à votre question : Qui était-ce ? Mais, Madame, répondez encore à cette autre : S’ils en sont venus à cet affreux dénouement, à qui la faute ?

Elle me regarda comme égarée. – Grand Dieu ! exclama-t-elle une première fois ; puis une seconde fois, elle se répéta tout bas : – Grand Dieu !… Par pitié, Mackellar, qu’est-il arrivé ? Je suis prête à tout entendre.

– Vous n’êtes pas prête, dis-je. N’importe ce qui est arrivé, il vous faut d’abord avouer que c’est par votre faute.

– Oh ! s’écria-t-elle en se tordant les mains, – cet homme me rendra folle ! Ne pouvez-vous me séparer de vos pensées ?

– Je ne pense aucunement à vous, m’écriai-je. Je ne pense à rien qu’à mon cher et infortuné maître.

– Ah ! s’écria-t-elle, en portant la main à son cœur, est-ce que Henry est mort ?

– Baissez la voix, dis-je. – L’autre.

Elle vacilla comme sous une rafale ; et j’ignore si ce fut par lâcheté ou par détresse, elle se détourna et regarda le parquet.

– Voilà de terribles événements, dis-je à la fin,