Page:Stevenson - Le Maître de Ballantrae, 1989.djvu/211

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lui avoir brisé le cœur. Vos crimes échappent à la loi ; mais mon ami le gouverneur m’a promis aide et protection pour ma famille. Prenez garde, monsieur ! cria Mylord en le menaçant de sa canne ; si l’on vous surprend à dire deux mots à l’un de mes jeunes innocents, on saura bien étirer la loi pour vous en faire repentir.

– Ah ! dit le Maître, très lentement. Ainsi donc, voilà l’avantage d’une terre étrangère ! Ces messieurs ne sont pas au courant de notre histoire, je le vois. Ils ignorent que c’est moi le lord Durrisdeer ; ils ignorent que vous êtes mon frère cadet, et que vous êtes en mes lieu et place par suite d’un pacte de famille ; ils ignorent (sans quoi on ne les verrait pas aussi amicalement liés avec vous) que tout est mien jusqu’au dernier arpent devant Dieu Tout-Puissant, – et que jusqu’au dernier liard de l’argent que vous détenez à moi, vous le détenez comme un voleur, un parjure, et un frère déloyal !

– Général Clinton, m’écriai-je, n’écoutez pas ses mensonges. Je suis le régisseur du domaine, et il n’y a pas un mot de vrai dans tout cela. Cet homme est un rebelle confisqué, devenu espion à gages : telle est en deux mots son histoire.

Ce fut ainsi que (dans réchauffement de l’heure) je laissai échapper son infamie.

– L’ami, dit le gouverneur en braquant sur le Maître un regard sévère, j’en sais sur vous plus long que vous ne croyez. Il nous est revenu quelques bribes de vos aventures dans les provinces, que vous ferez bien de ne pas me forcer à sonder. Il y a entre autres la disparition corps et biens de M. Jacob Chew ; il y a la question de savoir d’où vous veniez quand vous vous trouvâtes à terre avec tout cet argent et ces bijoux, alors que vous fûtes recueilli par un marchand albanien. Croyez-moi, si je laisse ces matières dans l’ombre, c’est en considération de votre famille, et par respect envers mon excellent ami lord Durrisdeer.

Un murmure d’approbation parcourut les rangs des provinciaux.