Page:Stevenson - Le Maître de Ballantrae, 1989.djvu/220

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mon dos, et que l’on me vole mon argent pour me tromper.

– Mylord, dis-je, voilà des expressions tout à fait impardonnables.

– Réfléchissez un peu, Mackellar, reprit-il, et vous verrez qu’elles s’appliquent bien à votre cas. C’est votre subterfuge qui est impardonnable. Niez, si vous l’osez, que cet argent soit destiné à éluder mes ordres, et je vous présente aussitôt mes excuses. Sinon, il vous faut avoir le courage d’entendre nommer votre conduite par son nom.

– Si vous croyez que mon dessein n’est pas uniquement de vous sauver… commençai-je.

– Oh ! mon vieil ami, dit-il, vous savez très bien ce que je pense ! Voici ma main, et de tout mon cœur ; mais d’argent, pas un patard.

Battu de la sorte de ce côté, j’allai droit à ma chambre, écrivis une lettre, courus la porter au port, car je savais qu’un navire allait mettre à la voile, et arrivai à la porte du Maître avant le crépuscule. J’entrai sans frapper et le trouvai assis avec son Indien, devant un bol de porridge au maïs et au lait. L’intérieur de la maison était propre et nu ; quelques livres sur un rayon en faisaient le seul ornement, avec, dans un coin, le petit établi de Secundra Dass.

– Mr. Bally, dis-je, j’ai près de cinq cents livres déposées en Écosse, toute l’épargne d’une existence laborieuse. Une lettre s’en va par ce bateau là-bas jusqu’au retour du bateau, et le tout est à vous, aux mêmes conditions que vous offriez à Mylord ce matin.

Il se leva de table, s’avança vers moi, me prit par les épaules, et me regarda au visage, en souriant.

– Et vous tenez beaucoup à l’argent ! dit-il. Et vous aimez l’argent plus que toute chose, excepté mon frère !

– Je crains la vieillesse et la pauvreté, dis-je, ce qui est tout différent.

– Ne chicanons pas sur les mots, et appelons cela comme vous voulez, reprit-il. Ah ! Mackellar, Mackel-