90 LE ROMAN DU PRINCE OTHON
si tant est que vous me croyiez encore digne de ce reste de considération, être regardé comme simple gentilhomme. Or donc, Monsieur, j’ai eu tort de jeter les yeux sur ces papiers que je vous remets maintenant. Si cependant la curiosité révèle un manque de dignité, comme il m’est loisible de l’avouer, d’autre part la fausseté est chose à la fois bien lâche et bien cruelle. J’ai ouvert votre rouleau et qu’y ai-je trouvé… qu’y ai-je trouvé concernant ma femme ? Des mensonges ! dit-il en éclatant. Rien que des mensonges ! Il n’y a pas, j’en appelle à Dieu, quatre mots vrais dans votre intolérable pamphlet. Vous êtes homme, vous êtes âgé, vous pourriez même être le père de cette jeune femme ; vous êtes gentilhomme, homme de lettres, vous vous entendez aux choses délicates de la vie, et cependant vous pouvez venir ramasser tout ce vulgaire commérage et vous proposer de le faire imprimer et publier ! Voilà votre idée de la chevalerie ! Mais, Dieu soit loué ! la princesse a encore son époux. Vous racontez, Monsieur, dans ce manuscrit que vous tenez là à la main, que je tire mal des armes. Je vais vous demander de m’en donner une leçon. Le parc est tout proche derrière vous ; là-bas est la faisanderie où vous trouverez votre voiture. Si je succombe vous n’ignorez pas, Monsieur, vous l’avez écrit vous-même dans votre ouvrage, combien peu l’on s’occupe ici de mes mouvements. J’ai l’habitude de disparaître : ce ne sera qu’une disparition de plus, et bien avant qu’on ait pu la remarquer vous pourrez vous trouver en sûreté, de l’autre côté de la frontière.