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LE ROMAN DU PRINCE OTHON

d’expérience, et chez elle les plus violentes émotions aiguisaient plutôt qu’elles ne troublaient la vigueur de la raison.

Cela rappela l’autre lettre à Séraphine, celle d’Othon. Elle se leva, sortit rapidement, et, le cerveau toujours tourbillonnant, s’élança dans le cabinet d’armes. Le vieux chambellan était-à son poste. La vue d’une autre personne épiant sa détresse (c’était là du moins son impression) souleva en elle une colère enfantine.

— Sortez ! s’écria-t-elle. Puis, comme le vieillard était à mi-chemin vers la porte, elle se ravisa : — Restez. Aussitôt que le baron de Gondremark arrivera, qu’on lui dise de se rendre ici.

— Je vais en donner l’ordre, dit le chambellan.

— Il y avait une lettre… commença Séraphine, puis elle s’arrêta.

— Son Altesse, dit le chambellan, trouvera une lettre sur la table. Je n’ai reçu aucun ordre, sans cela j’aurais épargné ce dérangement à Son Altesse.

— Non, non, non ! s’écria-t-elle. Je vous remercie. Je désire être seule.

Quand il fut parti, elle se précipita sur la lettre. Son esprit était encore dans l’obscurité ; sa raison brillait par instants pour s’éteindre de nouveau : telle la lune par une nuit de tempête, parmi les nuages. Ce fut par éclairs qu’elle lut ces mots :


« Séraphine, avait écrit le prince. Je n’écrirai pas une syllabe de reproche : j’ai vu votre ordre, et je pars. Que me reste-t-il à faire ? J’ai gaspillé mon amour, je n’en ai plus. Inutile de dire que je vous pardonne. Maintenant, du moins,