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Page:Stevenson - Le Roman du prince Othon.djvu/261

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HEUREUSE INFORTUNE

— Qui êtes-vous ? leur cria-t-elle d’une voix rauque.

Les petits se serrèrent l’un contre l’autre et reculèrent, et le cœur de la jeune femme lui reprocha d’avoir effrayé des créatures si bizarres, si mignonnes, et pourtant animées de sens. Elle se rappela les oiseaux, et de nouveau regarda ses deux visiteurs : ils étaient à peine plus gros… mais si incomparablement plus innocents ! Sur leurs figures franches, comme sur le miroir d’un lac, elle vit la réflexion de leurs craintes ; et ce fut avec une intention toute de bienveillance qu’elle se leva.

— Venez, n’ayez pas peur de moi ! leur dit-elle en faisant un pas vers eux.

Mais, hélas ! dès le premier moment les deux pauvres bambins tournèrent dos à l’approche de la princesse, et s’enfuirent à toutes jambes.

La désolation la plus complète se fit dans le cœur de Séraphine… Vingt-deux ans, près de vingt-trois ans, et pas une créature qui l’aimât, pas une, excepté Othon ! Et Othon lui-même, voudrait-il jamais pardonner ? Mais c’eût été la mort ou la folie, que de se laisser aller à pleurer, seule, au milieu de ces bois. En toute hâte elle éteignit cette idée comme on éteint sous le pied un papier brûlant ; en toute hâte elle enroula de nouveau sa chevelure, et, poursuivie par la terreur, le sein tout défaillant de douleur, elle se remit en route.

Il était dix heures passées quand elle rencontra le grand chemin, qui, en cet endroit, véritable rivière de soleil, montait la côte entre deux bois superbes.