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LE ROMAN DU PRINCE OTHON

Là, mourant de fatigue, sans souci des conséquences, et reprenant quelque courage au voisinage humain et civilisé de la route, elle s’étendit sur la marge de gazon, à l’ombre d’un arbre. Le sommeil s’abattit sur elle, d’abord avec quelque chose ressemblant à l’horreur d’un évanouissement, mais pour l’embrasser ensuite avec douceur aussitôt qu’elle eut cessé de résister. C’est ainsi que, pendant un peu de temps, elle fut enlevée à ses fatigues et à ses douleurs, et remise entre les bras de son Père. Et là, en attendant, son corps dans ses parures en lambeaux demeurait exposé au bord de la grande route. De chaque côté les oiseaux sortirent des bois, voletant et s’appelant les uns les autres, pour disserter en leur langue sur cette étrange apparition.

Le soleil continuait son chemin. L’ombre avait déjà abandonné les pieds de la dormeuse, et, se raccourcissant de plus en plus, se trouvait sur le point de la découvrir entièrement, quand les oiseaux se signalèrent de l’un à l’autre le roulement d’une voiture. À cet endroit la montée était fort raide : le roulement s’approchait avec la plus grande délibération, et il se passa bien dix minutes avant qu’un certain gentilhomme parût sur la scène, marchant d’un pas sobre et rassis le long de la marge de gazon qui bordait la grande route. De temps en temps ce personnage s’arrêtait, sortait un calepin de sa poche pour y enregistrer quelque note au moyen d’un crayon. Un espion qui se fût trouvé assez près l’eût pu entendre marmotter, ainsi qu’un poète qui scande des vers. Le bruit des roues était encore faible dans la distance, et il