Page:Stevenson - Saint-Yves.djvu/178

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mon oncle était décidément impossible à émouvoir. Du même souffle de voix, les yeux toujours fermés, il m’ordonna de rester.

« C’est bien ! dit Alain. Je ne saurais, dans ces conditions, vous rappeler les vingt années que nous avons vécues ensemble en Angleterre, et les services que je vous ai rendus durant ce temps. Vous me connaissez trop, mon oncle, pour me supposer capable de me rabaisser jusqu’à vous parler de ces choses en présence d’un tiers. J’ignore quelles sont mes fautes ; je connais seulement ma punition, qui est vraiment plus affreuse que tout ce que je pouvais craindre. Mon oncle, j’implore votre pitié ! Pardonnez-moi, si j’ai commis quelque faute ! Ne m’envoyez pas à jamais dans une prison pour dettes !

— Ta ta ta ! » murmura mon oncle. Après quoi, ouvrant bien droit sur Alain ses yeux d’un bleu pâle, il récita avec quelque emphase les vers de son poète préféré :

La jeunesse se flatte et croit tout obtenir ;
La vieillesse est impitoyable.

Un flot de sang jaillit au visage d’Alain. Il se tourna vers Romaine et moi, les yeux brûlants.

« Allons, dit-il, je vous laisse la place ! Du moins ai-je la consolation de penser que je ne serai pas le seul des deux Saint-Yves à aller en prison !

— Un moment, s’il vous plaît, monsieur le vicomte ! fit Romaine. J’ai encore quelques observations à vous présenter ! »

Mais Alain se frayait déjà un chemin vers la porte.

« Attendez un instant, monsieur ! lui cria Romaine. Rappelez-vous votre propre conseil de ne pas dédaigner un adversaire ! »

Alain se retourna.

« Oui certes, je vous dédaigne, et en outre je vous hais hurla-t-il, dans un élan de passion. Prenez bien garde à vous, tous les deux !

— Je crois comprendre que vous menacez votre cousin