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Page:Stirner - L’Unique et sa propriété, trad. Reclaire, 1900.djvu/125

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Contre ces représentants d’intérêts idéaux ou sacrés se dresse l’innombrable multitude des intérêts profanes, « personnels ». Nulle idée, nulle doctrine, nulle cause sainte n’est si grande qu’elle ne doive jamais être vaincue ou modifiée par ces intérêts personnels. S’il arrive que ceux-ci sombrent momentanément aux heures de rage et de fanatisme, le « bon sens populaire » les ramène bientôt à la surface. La victoire des idées n’est complète que lorsqu’elles cessent d’être en contradiction avec les intérêts personnels, c’est-à-dire lorsqu’elles donnent satisfaction à l’égoïsme.

Le marchand de harengs saurs qui crie en ce moment sa marchandise sous ma fenêtre a un intérêt personnel à la bien vendre, et quand sa femme ou n’importe qui ferait des vœux pour la prospérité de son petit commerce, son intérêt n’en resterait pas moins tout personnel. Mais qu’un voleur lui dérobe sa corbeille, aussitôt va s’éveiller l’intérêt de plusieurs, du grand nombre, de toute la ville, de tout le pays, bref, de tous ceux qui abhorrent le vol ; la personne de notre marchand passe à l’arrière-plan et s’efface devant la catégorie de « volé » à laquelle s’attache l’intérêt public.

Mais, ici encore, tout se ramène en définitive à un intérêt personnel : si tous ceux qui compatissent à l’infortune du volé croient devoir applaudir au châtiment du voleur, c’est que si le vol restait impuni il pourrait se généraliser et qu’eux-mêmes pourraient à leur tour en être victimes. Il est toutefois difficile d’admettre que beaucoup de gens puissent avoir conscience d’un tel calcul, et vous entendrez le plus souvent proclamer que le voleur est un « criminel ». Nous avons devant nous un jugement rendu, qui qualifie le vol une fois pour toutes et le range dans la classe des « crimes ».

Le problème qui se pose maintenant est celui-ci : À supposer qu’un crime ne causât pas le moindre préjudice