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Page:Stirner - L’Unique et sa propriété, trad. Reclaire, 1900.djvu/126

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ni à moi, ni à quiconque m’intéresse, je devrais néanmoins déployer tout mon zèle à le combattre. Pourquoi ? Parce que la Moralité m’inspire, parce que je suis plein de l’idée de moralité et que je dois m’opposer à tout ce qui la blesse. C’est parce que le vol lui paraît a priori abominable que Proudhon croit flétrir la propriété en disant que « la propriété, c’est le vol ».

Aux yeux des prêtres, le vol est toujours un crime, ou tout au moins un délit.

Ici finit l’intérêt personnel. Cette personne déterminée qui a dérobé la corbeille du marchand m’est, à moi personnellement, complètement indifférente ; ce qui m’intéresse, c’est uniquement le voleur, l’espèce dont cette personne est un exemplaire. Voleur et Homme sont dans mon esprit deux termes inconciliables, car on n’est pas vraiment Homme quand on est voleur ; en volant on avilit en soi l’Homme ou l’ « humanité ».

Nous sortons de l’intérêt personnel pour tomber dans la Philanthropie. Celle-ci est généralement si mal comprise qu’on croit y voir un amour pour les hommes, pour chaque individu en particulier, alors qu’elle n’est que l’amour de l’Homme, du concept abstrait et irréel, du fantôme. Ce n’est pas [mots en grec dans le texte], les hommes, mais [mots en grec dans le texte], l’homme, que le philanthrope porte dans son cœur. Certes, il compatit à l’infortune de l’individu, mais ce n’est que parce qu’il voudrait voir partout réalisé son idéal bien-aimé. Ne lui parlez pas de sollicitude pour moi, pour toi, pour nous : intérêt personnel que tout cela ; cela rentre dans le chapitre de l’« amour mondain ». La Philanthropie est un amour céleste, spirituel — clérical. Ce qu’il lui faut, c’est faire fleurir en nous l’Homme, quand nous, pauvres diables, en devrions crever. C’est le même esprit clérical qui a dicté le célèbre Fiat justifia, pereat mundus : Homme, Justice, sont des idées, des fantômes, à l’amour desquels tout doit être sacrifié ; — du reste, l’homme