Page:Stirner - L’Unique et sa propriété, trad. Reclaire, 1900.djvu/128

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indubitable qu’elle a falsifié les conséquences idéales que Robespierre eût tirées de son principe. L’instinct de son intérêt l’a avertie que ces conséquences juraient avec ce qu’elle avait en vue, et que ce serait un jeu de dupes que de vouloir se plier aux déductions de la théorie. Devait-elle peut-être pousser le désintéressement jusqu’à abjurer tout ce qui avait été son but pour conduire au triomphe une rigide théorie ?

Cela fait merveilleusement l’affaire des prêtres, quand les gens prêtent l’oreille à leurs exhortations : « Abandonne tout et suis-moi ! » ou : « Vends tout ce que tu possèdes et donnes-en l’argent aux pauvres, cela te vaudra un trésor dans le ciel ; viens et suis-moi ! » Quelques rares idéalistes écoutent cet appel, mais la plupart font comme Ananias et Saphira, se conduisent à moiti suivant l’Esprit ou la Religion, à moitié suivant le monde, et partagent leurs offrandes entre Dieu et Mammon.

Je ne blâme pas la Bourgeoisie de ne pas s’être laissé détourner de son but par Robespierre et d’avoir pris conseil de son égoïsme pour savoir jusqu’à quel point elle devait s’assimiler les idées révolutionnaires. Mais ceux que l’on pourrait blâmer (si toutefois il peut être question ici de blâmer quelqu’un ou quelque chose), ce sont ceux qui se laissent imposer comme leurs intérêts les intérêts de la classe bourgeoise. Ne finiront-ils pas un jour par comprendre de quel côté est leur avantage ?

« Pour conquérir à sa cause les producteurs (Prolétaires), dit Auguste Becker, il ne suffit pas d’une négation des notions traditionnelles du droit. Les gens s’inquiètent malheureusement assez peu de la victoire théorique d’une idée. Ce qu’il faut, c’est leur démontrer ad oculos le bénéfice pratique que l’on peut retirer de cette victoire ; et il ajoute  : «