Page:Stirner - L’Unique et sa propriété, trad. Reclaire, 1900.djvu/224

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mais non être libre de tout. L’esclave même peut être intérieurement libre, mais seulement vis-à-vis de certaines choses et non de toutes ; comme esclave, il n’est pas libre vis-à-vis du fouet, des caprices impérieux du maître, etc. « La Liberté n’existe que dans le royaume des songes ! L’Individualité, c’est-à-dire ma propriété, est au contraire toute mon existence et ma réalité, c’est moi-même. Je suis libre vis-à-vis de ce que je n’ai pas ; je suis propriétaire de ce qui est en mon pouvoir, ou de ce dont je suis capable. Je suis en tout temps et en toutes circonstances à moi, du moment que j’entends être à moi et que je ne me prostitue pas à autrui. L’état de liberté, je ne puis vraiment le vouloir, vu que je ne puis pas le réaliser, le créer ; tout ce que je puis faire, c’est le désirer et y — rêver, car il reste un idéal, un fantôme. Les chaînes de la réalité infligent à chaque instant à ma chair les plus cruelles meurtrissures, mais je demeure mon. bien propre. Livré en servage à un maître, je n’ai en vue que moi et mon avantage ; ses coups, en vérité, m’atteignent, je n’en suis pas libre, mais je ne les supporte que dans mon. propre intérêt, soit que je veuille le tromper par une feinte soumission, soit que je craigne de m’attirer pis par ma résistance. Mais comme je n’ai en vue que moi et mon intérêt personnel, je saisirai la première occasion qui se présentera et j’écraserai mon maître. Et si je suis alors libre de lui et de son fouet, ce ne sera que la conséquence de mon égoïsme antérieur.

On me dira peut-être que, même esclave, j’étais « libre », que je possédais la liberté « en soi », la liberté « intérieure ». Malheureusement, être « libre en soi » n’est pas être « réellement libre », et « intérieur » n’est pas « extérieur ». Ce que j’étais, en revanche, c’est mien, mien propre, et je l’étais totalement, extérieurement comme intérieurement. Sous la domination d’un maître cruel, mon corps n’est pas « libre » vis-à-vis de la torture et des coups de fouet ;