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Page:Stirner - L’Unique et sa propriété, trad. Reclaire, 1900.djvu/302

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de la piété a exercé sur elle son empire ?

Là, l’égoïsme avait vaincu ; ici, la piété est victorieuse et le cœur égoïste saigne ; là, l’égoïsme était fort ; ici, il a été faible. Des faibles : voilà, nous le savons depuis longtemps, ce que sont les désintéressés. La famille a soin d’eux : elle entoure ces faibles membres de sa sollicitude, parce qu’ils lui appartiennent et qu’ils ne s’appartiennent pas ni ne songent à eux-mêmes. C’est de cette faiblesse que Hegel, par exemple, fait l’éloge, quand il demande que le mariage des enfants soit subordonné au choix des parents.

La famille étant une communauté sacrée à laquelle l’individu doit obéissance, la fonction de juge lui appartient de droit. Le Cabanis de Wilibald Alexis, par exemple, nous décrit un « tribunal de famille ». Le père, au nom du « conseil de famille », envoie à l’armée son fils insoumis et l’expulse de la famille afin de purifier par cet acte de rigueur la famille souillée. Le droit chinois donne à la responsabilité de la famille une sanction très logique en faisant expier par toute la famille la faute d’un de ses membres.

De nos jours, toutefois, le bras de l’autorité familiale s’étend rarement assez loin pour pouvoir efficacement châtier le rebelle (l’État protège même dans la plupart des cas contre l’exhérédation). Le criminel contre la famille n’a qu’à se réfugier dans le giron de l’État pour devenir libre, de même que le criminel envers l’État qui s’enfuit en Amérique y trouve un asile contre les lois de son pays ; le fils dénaturé, opprobre de sa famille, est à l’abri de tout châtiment parce que l’État protecteur enlève à la vindicte familiale toute sainteté et la profane en déclarant qu’elle n’est que « vengeance ». L’État s’oppose au châtiment, l’exercice d’un droit sacré de la famille, parce que la sainteté de la famille étant, dans la hiérarchie, inférieure à sa propre sainteté pâlit et perd tout prestige dès qu’elle entre en lutte avec cette sainteté supérieure. Lorsqu’il n’y a pas conflit entre les deux, l’État laisse toute sa valeur à l’autorité sacrée, encore