Page:Stirner - L’Unique et sa propriété, trad. Reclaire, 1900.djvu/305

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imaginer : propriété, vie d’autrui, etc.). Telle est l’espèce de culture que l’État est capable de me donner : il me dresse à être un « bon instrument », un « membre utile de la Société ».

C’est ce que doit faire tout État, qu’il soit démocratique, absolu ou constitutionnel. Et il le fera tant que nous ne nous serons pas défaits de cette idée erronée qu’il est un « moi » et, comme tel, une « personne » morale, mystique ou politique. C’est de cette peau du lion du moi que je dois, Moi qui suis véritablement un moi, dépouiller le vaniteux mangeur de chardons. À quel pillage mon moi n’est-il pas livré, depuis que le monde est monde ! Ce furent d’abord le soleil, la lune et les étoiles, les chats et les crocodiles qui eurent l’honneur de passer pour Moi ; ce furent ensuite Jéhovah, Allah, Notre Père qui usurpèrent mon titre ; puis les familles, les tribus, les peuples, et jusqu’à l’humanité ; vinrent enfin l’État et l’Église, toujours avec la même prétention d’être Moi ; et Moi, je les regardais paisiblement faire. Quoi d’étonnant, alors, que, toujours de la même façon, un Moi réel se soit présenté et m’ait affirmé en face qu’il ne m’était pas un « toi », mais bel et bien mon propre moi ? C’est ce que fit le Fils de l’homme par excellence *, et je me demande ce qui empêcherait le premier fils de l’homme venu d’en faire autant. Voyant ainsi mon moi toujours au-dessus et en dehors de moi, je ne suis jamais parvenu à être réellement Moi-même.

Je n’ai jamais cru à Moi, je n’ai jamais cru à mon actualité, et je n’ai jamais su me voir que dans l’avenir. L’enfant croit qu’il sera vraiment lui lorsqu’il sera devenu autre, lorsqu’il sera un « grand » ; l’homme pense qu’au-delà de cette vie seulement il pourra être vraiment quelque chose ; et, pour prendre un exemple plus près de nous, les meilleurs ne prétendent-ils pas aujourd’