Page:Stirner - L’Unique et sa propriété, trad. Reclaire, 1900.djvu/349

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sujet de ma propriété. Si la communauté va à l’encontre de mes intérêts, je m’insurge contre elle et je me défends. Je suis propriétaire, mais la propriété n’est pas sacrée. Ne serais-je donc que possesseur ? Eh ! non. Jusqu’à présent on n’était que possesseur, on ne s’assurait la jouissance d’une parcelle qu’en laissant les autres jouir de la leur. Mais désormais tout m’appartient ; je suis propriétaire de tout ce dont j’ai besoin et dont je puis m’emparer. Si le Socialiste dit : la Société me donne ce qu’il me faut, l’Égoïste répond : je prends ce qu’il me faut. Si les Communistes agissent en gueux, l’Égoïste agit en propriétaire.

Toutes les tentatives ayant pour but le soulagement des classes misérables doivent échouer si elles prennent pour principe l’Amour. C’est de l’égoïsme seul que la plèbe doit attendre quelque aide ; cette aide, elle doit se la prêter à elle-même, et — c’est ce qu’elle fera. La plèbe est une puissance pourvu qu’elle ne se laisse pas dompter par la crainte. « Les gens perdraient tout respect si on ne les forçait pas à avoir peur », disait l’Épouvantail au Chat Botté.

La propriété ne doit et ne peut donc pas être abolie ; ce qu’il faut, c’est l’arracher aux fantômes pour en faire ma propriété. Alors s’évanouira cette illusion que je ne suis pas autorisé à prendre tout ce dont j’ai besoin.

« Mais de combien de choses l’homme n’a-t-il pas besoin ! » Celui qui a besoin de beaucoup et qui s’entend à le prendre s’est-il jamais fait faute de se l’approprier ? Napoléon a pris l’Europe et les Français Alger. Ce qu’il faudrait, c’est que la plèbe, que le respect paralyse, apprenne enfin à se procurer ce qu’il lui faut. Si elle va trop loin et si vous vous jugez lésés, eh bien ! défendez-vous : il n’est pas nécessaire que vous lui fassiez bénévolement des cadeaux. Quand elle apprendra à se connaître, ou plutôt quand ceux de la plèbe apprendront à se connaître, ils cesseront d’en faire partie par là même qu’ils refuseront vos aumônes.